Yohanne Lamoulère photographie des gens. Ceux qui vivent où elle vit et où elle a vécu. Des corps en représentation dans des paysages meurtris. Ils mentent comme ils peuvent, immobiles et solaires. Ils jouent à se mettre en scène parce que c’est vital. Ils racontent des histoires et s’emparent de celles qu’on raconte sur eux. Certaines fictions sont confortables. On plonge dedans, on se les approprie. D’autres sont mal taillées, alors on les tord ou on les rejette. Toujours du mensonge dans la rencontre. Ça se donne, ça se refuse. Ça s’apprivoise, dans un sens comme dans l’autre. Résultat : des centaines de confrontations consacrées par des bouts de papier exposés au mur. Et qu’est-ce que ça change ? C’est la question que Yohanne Lamoulère se pose en retournant auprès de personnes déjà photographiées pour poursuivre une relation entamée souvent des années auparavant. En essayant de saisir à nouveau ce qu’elle leur a pris et ce qu’ils lui ont donné : une image de leur corps. Voilà l’enjeu de ce rendez-vous. Tester la distance. La prendre ou la casser, comme à la boxe. Tourner autour pour y voir plus clair, puis s’enfoncer dans cette matière mixte et foisonnante. Des images, du texte, et un fanzine pour tenter de dire l’envers, en interrogeant la sincérité de la démarche documentaire et comprendre ce qui se joue dans l’intimité de ces moments, lorsque l’œil est rivé sur une réalité qui le déborde.