Marseille fascine autant qu’elle dérange. Yohanne Lamoulère, depuis 2009, en traque les soubresauts, campe ses désastres et brise ses représentations pour les réinventer en compagnie de ceux qui l’habitent. La photographe y enracine ses obsessions : la jeunesse, les quartiers périphériques – qui sont pour elle le cœur vibrant de la ville –, l’image de soi et le lien identitaire qu’on entretient avec son territoire. Tout est ici montré de la réalité de quartiers relégués, avec la précision teintée de poésie de ceux qui savent ce qu’ils photographient. Mais au final c’est bien une énergie singulière qui se dégage de ces faux bourgs et témoigne de leur appartenance universelle à des mondes intranquilles, ceux d’où surgissent pourtant des possibles, de l’amour et du rêve.
Fabienne Pavia
La poésie, dans ce travail, passe par une série de petites touches distillées avec l’économie et l’assurance d’un grand coup de pinceau : un léger retournement du sens, un renouvellement du regard, un décentrement doux et amer quand il n’est pas ironique, la fragile survenue de l’inattendu, l’art d’ériger le rien en tout, une prose du détail, la capacité à fixer, sans la figer, une jeunesse soulée d’astres qui doit apprendre ce qui nulle part n’est enseigné : croire dans le noir.
Nicolas Dutent
À l’écart des circuits officiels, des pans entiers de Marseille ne sont reconnus qu’à travers certains faits divers qui font l’unanimité contre eux. C’est pourtant dans ces quartiers que la ville se refuse encore à entrer dans le futur si radieux et si mensonger qui nous est promis. Le Marseille profond se découvre toujours à l’envers du décor, aux côtés des relégués dont ce travail nous fait entrevoir les corps et les gestes.