Il y a plus de dix ans, je suis montée pour la première fois en alpage avec Albert W. Je me souviens d’une sensation d’isolement jusqu’alors inconnue, à la suite d’une folle ascension nocturne. Le travail était plaisant et l’essentiel de nos journées consistait à compter et recompter les bêtes. Albert a toujours fait allégeance au pastoralisme traditionnel : pratique de la couchade libre (on ne parque pas les brebis), évolution naturelle des bêtes tout au long de la journée vers les sommets. En 2014, Albert a changé de montagne, pour des raisons techniques mais aussi politiques : il lui était devenu impossible de travailler au milieu des meutes de marcheurs venus trouver un peu de réconfort dans cet environnement naturel – la montagne était devenue une autoroute. Aujourd’hui il travaille en estive à Cheval blanc, un col pelé, dur, et par conséquent moins touristique. Mais Albert doit le partager avec le loup.
More than ten years ago, I went up to alpine pastures for the first time with Albert W. I remember a feeling of isolation that I hadn’t experienced until then, after a mad nocturnal ascension. The work was pleasant and most of our days were spent counting and recounting the animals. Albert has always sworn allegiance to traditional pastoralism : the practice of sleeping free (sheep are not put in pens), the natural wandering of the animals all day towards the summits. In 2014, Albert changed mountains for technical reasons, but also political ones : it had become impossible for him to work amongst the packs of hikers who had come to find some comfort in this natural environment : the mountain had become a freeway. Now he works the summer grazing season on the Cheval Blanc, a bare and tough mountain pass where, as a result, less tourists come. But Albert must share it with wolf.